
Alors que nous aurons 2 milliards de personnes de plus à nourrir dans les 30 prochaines années, la crise du Covid a fait basculer en quelques mois plus de 2 millions de Français dans la précarité alimentaire. Ceci même à l’heure d’une remise en cause profonde de notre modèle de production intensive.
L’agriculture et tout le système alimentaire est donc face à un enjeu de taille… Certains ont déjà amorcé le changement, s’engageant pour la résilience locale et l’agroécologie, d’autres pour une agriculture urbaine ou encore robotisée.
Qui peut, ou plutôt dans ce contexte d’urgence, qui DOIT participer à cette agriculture de demain ? Et comment ?
💡 Nous vous proposons 5 points à retenir de cette table-ronde💡
L’agriculture urbaine contribue à la revalorisation de l'agriculture rurale.
Les deux systèmes sont complémentaires, ils ne sont pas alternatifs. À elle seule, l'agriculture urbaine ne peut fournir la quantité et la diversité nécessaire à une alimentation équilibrée. La production urbaine est bien différente de celle des campagnes : ce sont des petites cultures (potagers), du maraîchage, de l’apiculture… en bref, des produits frais, souvent bio, servant directement le circuit court. Soit des quantités limitées qui ne peuvent évidemment pas encore couvrir les besoins alimentaires des citadins. Les fermes rurales disposent, elles, d’assez d’espace pour cultiver des céréales et élever du bétail à grande échelle.
L’agriculture urbaine n'a d'ailleurs pas seulement vocation à produire : elle permet de renforcer la résilience des villes, recycler les déchets urbains, réduire les émissions, revaloriser les espaces, créer de l'emploi, sensibiliser à l'alimentation durable... Loin de créer une rivalité entre villes et campagnes, l'une des principales fonctions des fermes urbaines est justement de recréer du lien entre les deux milieux. La ville a tout à apprendre des pratiques agricoles rurales pour réintroduire dans ses espaces la nature. Et réciproquement, les pratiques urbaines contribuent à revaloriser le travail des agriculteurs. Une relation saine qui permet une nouvelle compréhension et un respect réciproque, ceci en toute humilité.
L’agriculture urbaine, une solution aux multiples facettes et pleine d'avenir
Aujourd’hui dans le monde, 800 millions de personnes sont impliquées dans l’agriculture urbaine dont 200 millions dans une logique de production marchande (source : FAO).
Mais les réalités nationales différent totalement selon les contextes socio-économiques. Dans de nombreux pays en développement (Cuba, Bénin...), l’agriculture urbaine est une question de survie : sa fonction alimentaire est essentielle à la subsistance des populations pauvres et donc elle atteint des volumes très importants. Pour les pays développés, la tendance est à la hausse puisqu’elle s’inscrit dans le mouvement des villes durables. En France aujourd’hui, les exploitations urbaines représentent 3% de la surface agricole utilisée. Si Le Québec est devenu précurseur en la matière, la plus vaste ferme urbaine d’Europe étale ses 14 000m2 sur les toits de Paris Expo… Ces fermes urbaines peuvent résolument s’ancrer dans la “low tech” (pleine terre) ou au contraire se développer dans les courants “high tech”, plus médiatiques. Un champion en la matière : Singapour et ses fermes verticales. Hydroponie, pisciculture… les scientifiques et ingénieurs s’emparent du sujet des nouvelles agricultures. Et ce n’est que le début !
Plus qu’un projet écologique, l’agriculture urbaine est un enjeu social.
Celui de reconnection entre les générations. Celui de réappropriation des espaces. Celui de mixité social, car la terre est commune à tous les horizons. Celui de lien social... Les plus beaux témoignages de nos intervenants sont d’ailleurs des histoires humaines.
Une ferme urbaine peut sortir de terre en 2 mois. Pourtant il faut souvent plus d’un an. Pourquoi ? Parce que ces projets ne peuvent être développés “hors sol” : ils doivent ouvrir la discussion entre les mairies, les entreprises, les citoyens. Pour que le projet soit pérenne, il faut écouter, se concerter, engager les acteurs clés du territoire, jongler avec les milieux en prenant en compte les spécificités et contraintes de chacun. Des spécificités notamment économiques mais aussi sociologiques : les fermes urbaines mettent par exemple souvent en place des dispositifs d’insertion par le travail, associés parfois à la délinquance dans certains esprits. Il faut donc adapter le discours pour en faire des lieux ouverts d’échanges et de culture.
Mesurer l’impact de ces fermes urbaines est d’ailleurs complexe. Les chiffres ne suffisent pas mais restent essentiels pour sensibiliser et obtenir du soutien. Mais la démarche reste avant tout humaine, non économique. Difficile alors de mesurer le véritable impact puisqu’il s’agit de critères de bien-être de la population. Les projets comme ceux des Cols Verts ou de Merci Raymond ne sont ainsi pas des fins en soi, mais bien des véhicules, de nouvelles briques apportées au changement.
- L'agro-écologie est plus chère que l'agriculture "conventionnelle" : oui mais...
Le bio demande plus de main d’oeuvre pour des rendements inférieurs sur les premières années. Mais les agriculteurs économisent alors aussi des intrants. Certains modèles peuvent ainsi être mis en place pour optimiser les dépenses et économies. Tout est aussi une question de perspective : qu’est-ce que le vrai prix ? Si certains produits sont plus chers, c’est aussi qu’ils reflètent le véritable coût porté par les agriculteurs qui s'engagent, sans pour autant être rémunérés pour leurs efforts. À l’inverse, l’agriculture “conventionnelle” n’est pas pénalisée pour les coûts qu’elle fait porter à la société du fait de ses externalités négatives (pollutions, santé…). En retirant d’ailleurs les aides de la Politique Agricole Commune (PAC), ce modèle "conventionnel" s'effondre. Ces aides sont basées sur la taille de l’exploitation, non pas sur les externalités positives ou l’emploi généré, ce qui désavantage évidemment les fermes agro-écologiques aux superficies plus modestes.
Peut-être est-ce l’occasion de repenser la valeur des choses et d’adapter sa consommation. Manger bio/local ne coûte pas plus cher si l’on applique certaines recommandations. Mais faudrait-il aussi penser à reprioriser ses dépenses ? Rééquilibrer ses dépenses alimentaires par moins de gaspillage, moins de produits industriels, moins de viande, plus de légumineuses, plus de recours aux circuits courts… permettrait de réaliser de réelles économies et d’acheter de meilleurs produits.
Tout l’enjeu est donc de remettre en valeur le problème de fond auquel s’adresse l’agroécologie. L'agriculture doit être remise à sa juste place, une place essentielle dans le monde durable de demain. Et l'agriculture urbaine a ici tout son rôle à jouer.
Concrètement, par où commencer pour s’engager dans ce sens ?
En tant que consommateur, en privilégiant la localité, la saisonnalité et la qualité.
En participant financièrement à la hauteur de ses moyens (prêt, don, royalties...) à des projets d'agro-écologie via des plateformes de crowdfunding comme Bluebees.
En tant qu’acteur, en mettant ses compétences au service de projets engagés via le mécénat de compétences ou en prêtant main forte sur le terrain (Wwoof.france). Pour les plus courageux, en se lançant même dans une transition professionnelle pour accorder au quotidien ses idées à ses actes !
En questionnant ses aprioris sur le milieu rural. S’installer à la campagne peut faire peur. Synonyme d’isolement ? Paradoxalement, non. Alors que 80% de la population française est urbaine, c’est bien à la campagne que les liens sociaux et solidarités sont les plus forts. Mais la ville présente évidemment d’autres atouts et fourmille d’initiatives engagées où offrir de son temps.
En tant que citoyen, commencer simplement par aller rencontrer ses voisins et voir ce qui peut-être fait sur votre territoire.
Pour aller plus loin :
Découvrez les interviews et conférences de Fermes d’Avenir ainsi que la carte de ses 300 fermes engagées.
Participez aux avant-premières du film Douce France, appuyé par Les Cols Verts
Inspirez-vous pour agir grâce au guide Vers la résilience alimentaire.
Retrouvez toutes les données de l’alimentation et l’agriculture : FAOSTAT
Visualisez toutes les initiatives d’agricultures urbaines parisiennes : Parisculteurs
Intervenants :
Boris Marcel, fondateur - Les Cols verts
Réseau associatif qui œuvre à la transition alimentaire des territoires, en accompagnant la mise en place et le développement de projets d'agriculture urbaine.
Marion Enzer, responsable programmes & partenariats - Fermes d'avenir
Association de promotion et d’accompagnement au développement de l’agroécologie et de la permaculture.
Mathilde Schiettecatte, responsable pôle agriculture urbaine - Merci Raymond
Jeune startup incubée au Comptoir, rassemblant jardiniers et créatifs déterminés à créer des îlots de fraîcheur et inventer le design végétal des villes de demain.
- Lucas Veysman, étudiant M2 AgroParisTech - Ecofarms (co-animateur)
- Ali Hatimy, étudiant M2 AgroParisTech (co-animateur)
Organisateur : Le Comptoir
Incubateur de Montreuil membre du Groupe SOS Pulse accompagnant des entrepreneurs engagés pour un impact environnemental ou social positif.
Partenaire de l'évènement : Mouvement UP
Le cross-média d’information de solutions qui s’adresse à toutes celles et ceux qui souhaitent innover pour changer la société.